Sur les eaux cristallines du lac Titicaca

12 juin 2016

Sur les eaux cristallines du lac Titicaca

Notre première approche du Lac Titicaca ne fut pas très légendaire. Attirés comme tout à chacun par les mythiques îles flottantes du lac, nous partons tout gaiement à leur rencontre. L'expérience n'est cependant pas à la hauteur de nos espérances. La machine, tout comme le discours, semble être bien rôdée. Bref le tout semble surfait et à y regarder de plus prêt, peu de gens semblent réellement vivre sur les nombreux îlôts tous identiques qui se succèdent sur plusieurs mètres. La zone paraît spécialement dédiée aux visites touristiques, loin de ce que nous pensions voir en nous rendant ici. Cela à tout de même l'avantage de nous laisser entrevoir ce qu'était la vie sur les îles flottantes. Ce mode de vie, disparu dans les années 50 ne serait repris aujourd'hui qu'à des fins commerciales.

Composées uniquement de totora, plante invasive qui peuple les eaux du lac, les îles sont réalisées par superposition de couches. Les plus anciennes, pourries, constituent un socle de base auquel ne cesse de se rajouter des herbes fraîchement coupées. Les îles sont ensuite attachées entre elles pour éviter qu'elles ne dérivent. Cependant, si votre voisin vous insupporte ou que l'envie de prendre l'air vous envahie, il suffit juste de rompre les liens et de laisser couler la distance.

Pas très satisfait par cette première expérience, nous décidons de nous éloigner des rives touristiques pour aller chercher un peu plus d'authenticité dans les îles cette fois-ci véritables du lac Titicaca. Mais comme à notre habitude, loin de programmer nos journées à l'avance, nous arrivons tout naif sur le port pour prendre un bateau pour Taquile. Mais bien entendu le seul et unique collectivo qui déssert l'île est parti depuis belle lurette. Hors de question de repasser une nouvelle nuit ici, nous adaptons notre programme aux dires des locaux. Direction la péninsule de Capachica où nous descendons jusqu'au port de Chiffron pour embarquer sur une vieille barque motorisée.

L'expérience contraste nettement avec la veille et ce petit imprévu, hors des sentiers battus n'est pas pour nous déplaire. Notre point de chute pour la nuit ne sera finalement pas Taquile mais Amantani, son identique, à seulement une heure de navigation plus au nord. A notre arrivée, nous suivons un monsieur, prénommé Constantino, venu chercher sa fille, arrivée au port en même temps que nous, et qui nous propose de nous héberger. Nous nous attaquons à la rude montée jusqu'à son domicile, où après un petit échange de courtoisie avec la famille, nous prenons congé pour profiter des dernières lueurs du jour et observer le coucher du soleil. Amantani est parcourue de part en part par de petits chemins dalés qui sillonnent à travers les cultures en terrasses. Accrochées aux collines et délimitées par des murs en pierre qui déjouent les lois de la gravité et dentèlent le paysage, les terrasses se chevauchent à perte de vue.

Dans ce silence rompu que par le braiement des ânes, les pommes de terre, en star dans ce qui fût leur berceau, s'offrent un bain de soleil. De pas en pas nous atteignons finalement, point sans effort car nous sommes encore à plus de 4000m d'altitude, le sommet de Pachatata. Le bleu profond du Titicaca s'offre alors à nous à perte de vue.

Sans aucun touriste à l'horizon nous trouvons alors surprenant que les femmes du village affluent soudainement le long du chemin pour exposer leur artisanat.

Mais nous comprenons rapidement que notre solitude n'était qu'illusion. Sur le chemin du retour, nous croisons en sens inverse les nombreux groupes venus à l'assault du mont pour contempler les derniers rayons du soleil. De notre côté nous faisons de même mais sur le port, loin de la foule.

Le spectacle terminé, nous retournons chez nos hôtes pour les aider à préparer le repas que nous partageons tous ensemble à 19h punto!

Constantino nous propose alors de venir à la fête du village, fête dont nous avions entendu parlée et qui ne nous interessait pas plus que cela. Il s'agit en fait d'une fête organisée pour les touristes venus en groupe. Nous n'avions donc pas réellement prévu d'y participer en décidant de venir sur cette île par nos propres moyens. Mais nous apprenons alors que Constantino est le chef de la communauté, et que, en charge d'ouvrir la salle et de tenir la buvette, il doit s'y rendre coute que coute. Du coup nous ne pouvons lui refuser son invitation tout comme nos quatres bras qui ne sont pas de trop pour transporter les boissons. Parés de nos habits traditionnels, nous nous dirigeons vers la salle municipale où, petit à petit, les touristes, chacun accompagnés de leurs hôtes, se joignent au festivité.

L'ambiance est bon enfant mais on sent bien quand même que ce petit rituel agace. Le tourisme sur l'île, comme sur les autres îles du lac, les îles flottantes comprises, est bien organisé et fonctionne par rotation. Chaque communauté, une dizaine sur l'île d'Amantani, héberge à tour de rôle des groupes de touristes venus par agence. Les groupes sont en général répartis par groupe de deux ou trois dans différentes familles. En dehors de leur période allouée, les habitants n'ont pas le droit d'héberger de touristes exceptés ceux venus en indépendants comme nous. Nous apprenons alors que les habitants préfèrent de loin cette dernière option où l'argent leur revient directement, à l'inverse des visiteurs en groupe organisé où les agences ne redistribuent qu'une infime partie des revenus aux familles. Le lendemain, nous avions planifié d'effectuer le trajet retour jusqu'à Puno en bateau tout en faisant une halte sur Taquile. Mais en l'absence d'utilisateur la veille, la navette n'est pas venue jusqu'à Amantani. Après une dernière ballade sur l'île, nous quittons ce petit paradis insulaire par la même route qui nous avait permis d'atteindre, sur une déconvenue, cette charmante destination.